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Mortadha Fetiti en scène : la Garde Nationale célèbre son 69ème anniversaire à Carthage

À l’occasion du 69e anniversaire du Club Sportif de la Garde Nationale et en partenariat avec le groupe Boudinar, le Théâtre antique de Carthage s’est transformé, le 06 Septembre 2025, en un sanctuaire vivant de l’identité tunisienne. Mortadha Fetiti, artiste à la sensibilité rare, y a livré une performance qui dépasse le simple cadre du spectacle : une œuvre totale, un cri poétique, une traversée de l’âme collective

Célébration qui dépasse l’institution

Ce n’était pas un gala. Ce n’était pas un concert. C’était une cérémonie de mémoire. Le Club Sportif de la Garde Nationale, fondé il y a 69 ans, n’a pas seulement célébré son histoire : il a offert à la Tunisie un moment de communion, où l’art devient langage de reconnaissance

Le choix de l’art comme vecteur de célébration n’était pas anodin. En invitant Fetiti, artiste à la sensibilité sociale et à la voix viscérale, le Club Sportif a relié les valeurs de discipline et de service à celles de création et de liberté. Ce soir-là, l’uniforme et le micro ont parlé le même langage : celui de la reconnaissance; Reconnaissance envers les générations passées, les sacrifices silencieux, les anonymes qui ont bâti, protégé, et transmis et Reconnaissance aussi envers la jeunesse, celle qui cherche et qui rêve. En effet, cette célébration n’était pas tournée vers le passé : elle était tendue vers l’avenir

Ce soir-là, le Club Sportif n’a pas seulement célébré son anniversaire. Il a redéfini ce que peut être une institution dans une société en mutation : un lieu de mémoire, oui, mais aussi un lieu de sens, de dialogue, de beauté

Mortadha Fetiti : la voix d’une époque en mutation

Fetiti n’est pas seulement un chanteur tunisien, il est un conteur de douleurs, un sculpteur d’émotions, un architecte de mémoire. Sa présence sur scène est magnétique, presque mystique. Chaque morceau, de « Rayda » à « Maâla Balich », s’inscrit dans une démarche profondément introspective et engagée, où la musique devient un exutoire, une prière, une revendication. À travers des titres comme « Ya Rabi » ou « Me Tebkish », l’artiste invoque la douleur, la foi et la résilience, transformant ses paroles en confessions vibrantes. D’autres chansons telles que « Msamhin » ou « Ma Smaou Kalamou » explorent le pardon et le rejet, révélant une quête de sens et de reconnaissance. Dans « Faqri » et « Sidi El Houwari », il mêle spiritualité populaire et critique sociale, donnant voix aux oubliés et aux marginaux. Chaque morceau est une parcelle de vérité, une émotion mise à nu, une lutte chantée avec ferveur. Fetiti ne compose pas simplement des chansons : il érige un univers où l’intime rencontre le collectif, où la douleur devient poésie, et où la musique se fait mémoire et résistance

Mais ce qui rend sa prestation inoubliable, c’est sa capacité à incarner les contradictions de son époque : la jeunesse en quête de sens, la mémoire en quête de justice, la nation en quête de cohésion. Il ne propose pas de réponses, il ouvre des brèches

Carthage sous les feux de l’émotion

Dès les premières heures, de longues files de spectateurs se sont déplacées vers le Théâtre antique, créant une ambiance particulière. L’affluence était telle que chacun se précipitait sur les gradins et les chaises pour choisir la meilleure place. Lorsque Fetiti est apparu sur scène, vêtu avec une élégance, accompagné d’un ensemble de musiciens et de danseurs professionnels de haute facture, issus de différentes nationalités, le silence s’est fait, chargé d’attente et d’émotion

C’est avec « Me Tebkish  » qu’il a entamé la soirée, déclenchant immédiatement une réaction enthousiaste du public. Les fans, connaissant les paroles par cœur, les ont reprises créant une communion rare. Ovations nourries, danses spontanées, cris de joie : tout témoignait de la grande joie du public face à son idole

Fetiti était visiblement à l’aise, porté par cette énergie collective. Sa voix puissante, sa présence scénique, la chorégraphie harmonieuse et la technique lumineuse sophistiquée ont flatté le public

Dans un élan de reconnaissance profondément émouvant, il a salué la Garde nationale tunisienne; ces hommes et femmes de l’ombre qui nous ont préservés de catastrophes visibles et invisibles, connues et insoupçonnées. Par ce geste, il a également rendu hommage à la Tunisie, terre de résilience et de lumière

Avec « Amane Amane » et « Enti L’amour », l’artiste a plongé le public dans un univers à la fois envoûtant et passionné. « Amane Amane », porté par des sonorités orientales et une intensité vocale saisissante, a transporté l’auditoire dans une transe émotionnelle. Puis, « Enti L’amour » est venu célébrer l’amour dans toute sa délicatesse. Deux moments suspendus, où la musique parlait plus fort que les mots

Le morceau « Ya Baba », a raisonné comme une dédicace poignant aux pères martyrs de toute la Tunisie, porté avec respect et émotion devant les familles des héros tombés, présentes ce soir. Un hommage vibrant à ceux dont le sacrifice continue de résonner dans chaque cœur tunisien

Suite à cet hommage, Fetiti a interprété la célèbre chanson « Gana Alhawa » du légendaire Abdel Halim Hafez, rendant hommage à l’âge d’or de la musique arabe. Avec émotion et maîtrise, il a revisité ce classique du tarab, mêlant respect des traditions et sensibilité contemporaine. Sa voix profonde a su capturer la nostalgie et la passion du morceau, saluée par un public conquis et ému. Cette performance témoigne de son attachement aux grandes figures de la chanson arabe et de sa capacité à faire revivre leur héritage avec élégance

Dans un registre plus lèger, l’artiste a chanté « Bora Bora » en évoquant un amour libre, loin des contraintes, dans un décor paradisiaque. Ce titre marque un tournant pop dans sa carrière, mêlant modernité et émotion

Poursuivant dans une veine engagée, le morceau « Ya Lil » a été interprété comme une dédicace bouleversante aux martyrs palestiniens de Gaza. À travers cette chanson, l’artiste tunisien a rendu hommage à ceux dont les vies ont été fauchées dans le tumulte de l’injustice, transformant la scène en un espace de mémoire et de solidarité. Chaque note, chaque mot, portait la douleur d’un peuple et l’espoir d’un monde plus juste

Fetiti a interprété un cocktail tunisien de chansons emblématiques, mêlant les voix du patrimoine à sa touche contemporaine. Ce medley a revisité des classiques populaires comme « Tkwit », « Aichin Feha Thinin » ou encore « Ya Khilia », dans une ambiance festive. Grâce à sa voix expressive et à des arrangements modernes, il a su raviver l’âme de la musique tunisienne tout en captivant un public intergénérationnel. Ce moment a illustré son talent à faire le lien entre tradition et modernité

L’un des moments les plus forts de la soirée fut, sans doute, la diffusion du message de Nassif Zeytoun sur les écrans. Dans une vidéo empreinte d’émotion, il s’est excusé de ne pouvoir être présent pour interpréter en duo avec Fetiti le titre « Ya Sidi Ensa ». Ce morceau, fusion audacieuse de styles, fut porté avec brio par Fetiti, livrant une performance vibrante et habitée

A la fin de la soirée, l’artiste tunisien a également interprété les titres emblématiques « Sidi Mansour » et « Baba Bahri », offrant au public un voyage musical riche en émotions et en sonorités traditionnelles revisitées

Scénographie pensée comme un manifeste

Le spectacle a été porté par une chorégraphie saisissante et des danseurs dont les mouvements mêlaient tradition et modernité, dans une mise en scène épurée mais chargée d’émotion. Fetiti, fidèle à sa signature scénique, a orchestré cette gestuelle expressive pour créer une esthétique de la résistance et une dramaturgie du souvenir, transformant le plateau en un espace de mémoire vivante où le corps devient langage et le rythme, vecteur de conscience

Le Théâtre de Carthage, avec ses pierres millénaires, semblait écouter. Chaque lumière, chaque silence, chaque mouvement était porteur de sens

Cette fresque a été orchestré avec une précision, mêlant technologie, symbolisme et émotion brute. Le résultat : une immersion totale, où le spectateur devient témoin, puis acteur, puis héritier

Lors d’un entretien en one-to-one à l’issue du spectacle, Fetiti a révélé avoir abordé la préparation de cette soirée avec un sérieux absolu, animé par le désir profond de proposer un show complet. Il a souligné que ce rêve, qu’il porte depuis toujours, puise sa force dans l’énergie du public et son soutien indéfectible, véritable moteur de sa démarche artistique

Théâtre, lieu de communion nationale

Dans un pays où les fractures sociales, politiques et générationnelles sont palpables, cette soirée a offert un espace de réconciliation. Le public, venu de tous horizons, a chanté et applaudi. Des jeunes, des anciens, des agents de la Garde Nationale, des hauts cadres, des représentants des médias et bien d’autres invités, tous réunis dans une même vibration

Ce n’est pas un hasard si cela s’est produit à Carthage. Ce lieu, chargé d’histoire, est aussi un lieu de renaissance. Fetiti, par sa sincérité et son audace, a su en faire le cœur battant d’une Tunisie qui espère

Ce soir-là, à Carthage, la Tunisie ne s’est pas regardée dans un miroir : elle s’est reconnue

Malek Chouchi

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