Le cri d’Adam : une révolution musicale à Carthage, terre de passions et de mélodies

Parfois, un concert devient bien plus qu’un simple rendez-vous musical. Il devient un événement de l’âme, une déflagration émotionnelle qui traverse le silence des années, bouscule les murs du temps, et réveille en chacun un écho ancien, intime, profondément humain. C’est ce qui s’est produit ce 18 Août 2025, lorsque l’artiste libanais Adam a fait irruption sur la scène sacrée du Festival International de Carthage
Non pas comme un simple chanteur. Mais comme une boule d’émotions, une tempête contenue qui a choisi d’exploser au cœur d’un amphithéâtre chargé d’histoire, d’attentes et de battements suspendus
Voix comme un cri du cœur
Dès les premières notes de « Kheles Edamaa », le public a compris qu’il ne s’agirait pas d’un concert ordinaire. La voix d’Adam, à la fois blessée et puissante, douce et tranchante, s’est élevée comme un cri qu’on n’avait pas osé pousser. Un cri d’amour, de douleur, de nostalgie, autant d’émotions qui ont traversé l’espace pour aller frapper les âmes à nu
Il a enchaîné avec des titres aussi emblématiques que « Hatha Ana », « Kifak Ent », en les livrant non comme des tubes, mais comme des fragments de lui-même. Il chantait comme on écrit une lettre qu’on n’envoie jamais, avec cette intensité rare qui ne triche pas. Il chantait comme on pleure, sans honte. Comme on aime, sans condition
Quand le Tarab devient prière
Mais c’est peut-être lorsqu’il a repris les chefs-d’œuvre du Tarab que la scène de Carthage a atteint une forme d’absolu. « El Asami » de Dhekra, « Ana Baachaak » de Mayada El Hennawy, et « Helef Al Amar » de George Wassouf n’étaient pas que des hommages : c’était un rituel, presque sacré. Un pont jeté entre les voix du passé et les cœurs du présent
Dans ces instants, le silence pesait autant que la musique. Les regards se brouillaient, les souvenirs remontaient. Chaque note semblait ouvrir une blessure ancienne, chaque mot caressait une mémoire enfouie. Ce n’était plus un concert, c’était une veillée. Une célébration de tout ce que l’on n’a jamais cessé d’aimer
Public en écho, un artiste en offrande
Ce qui s’est produit ensuite tient presque du mystique. Le public, venu nombreux, n’était plus spectateur. Il était acteur, cœur battant de cette cérémonie émotionnelle. Par moments, il prenait le relais, chantant à l’unisson, comme si cette foule immense partageait une seule et même voix. Adam, bouleversé, laissait faire, comme un chef d’orchestre qui accepte de se fondre dans son orchestre
Et dans ses mots, simples mais vibrants, il a remercié Carthage. Il y avait une vérité nue dans ses paroles, un abandon sincère, rare, précieux
Clin d’œil à la Tunisie, une promesse d’avenir
Puis, tout à coup, un frisson : quelques phrases du tube tunisien « Allo » de Balti. Un geste inattendu, offert sans calcul, mais qui a touché au cœur. Le public, conquis, a explosé. Ce n’était pas qu’un hommage. C’était une main tendue, un acte d’amour envers un pays qui l’a toujours accueilli les bras ouverts
La veille, lors de sa conférence de presse, Adam avait laissé entendre qu’une chanson en dialecte tunisien pourrait bientôt voir le jour. Ce soir-là, ce n’était plus une hypothèse, mais une évidence. L’artiste ne venait pas simplement chanter pour la Tunisie. Il chantait avec elle, en elle, depuis elle
Quand le temps s’arrête et que la musique devient mémoire
En quittant l’amphithéâtre millénaire, les visages portaient tous les traces d’un moment vécu intensément, intimement. Ce concert n’a pas seulement marqué la 59e édition du Festival de Carthage. Il l’a transcendée
Parce qu’avec Adam, ce n’est pas la musique qui fait battre le cœur, c’est le cœur qui donne un sens à la musique
Et ce soir-là, ce n’est pas seulement un artiste qui a chanté
C’est une mémoire collective qui a pris voix
Malek Chouchi