ثقافة

FIH: Fresque théâtrale où la Tunisie interroge son passé pour mieux comprendre son présent

Au cœur de la 59ème édition du Festival International de Hammamet, le théâtre s’est hissé en miroir de la conscience collective tunisienne. Le 16 Juillet 2025, la pièce « أمّ البلدان », fruit d’une collaboration entre le dramaturge Ezzeddine Madani et le metteur en scène Hafedh Khalifa, s’est imposée comme un temps fort intellectuel et émotionnel. Troisième œuvre née de cette alliance artistique après « Aziza Othmana » et « Lettres de Liberté », la pièce pose avec acuité la question de l’identité tunisienne, de la construction de l’État et de l’héritage du pouvoir

Plongée historique pour sonder le présent

S’appuyant sur la figure d’Abu Zakaria al-Hafsi, fondateur de la dynastie hafside au XIIIe siècle, l’œuvre réactive un moment fondateur de la Tunisie comme terre de justice et d’innovation. Le texte, publié dans sa version intégrale par Beït al-Hikma, devient un outil de lecture du présent par le prisme du passé. La pièce confronte le règne exemplaire d’Abu Zakaria à celui de son fils, al-Mustansir Billah, incarnation de la dérive du pouvoir. Ce contraste dramatique structure une interrogation profonde sur la genèse, la déviation et la régénération de l’État

Texte dense, poétique et politiquement lucide

La pièce mêle classique arabe et dialecte tunisien, dessinant une narration riche en niveaux de lecture : historique, symbolique, politique. Malgré le condensé imposé par sa longueur originale (plus de quatre heures), l’adaptation scénique préserve l’essence du message, servi par une direction artistique exigeante

La mise en scène de Hafedh Khalifa s’appuie sur une scénographie numérique dynamique, un mapping immersif, des danses mystiques comme la tanoura et le stambali, et une musique live signée Ibrahim Behlel qui accompagne les envolées dramatiques. Les costumes reflètent la somptuosité de l’époque hafside, tandis que le décor évoque les symboles architecturaux de Tunis, comme Bab al-Banat ou la mosquée de la Kasbah

Distribution intergénérationnelle et engagée

La pièce est portée par une constellation d’acteurs expérimentés, tels que Mohamed Toufik al-Khalfaoui, Aziza Boulabiar, Jalaleddine Essadi, et par une jeune garde théâtrale dynamique, qui apporte une fraîcheur nécessaire au récit. Le collectif incarne avec puissance la richesse et la diversité du tissu humain tunisien

État, identité, souveraineté : des questions brûlantes

Au-delà du récit historique, La pièce questionne la fragilité contemporaine de l’État tunisien, son rapport au pouvoir, à la démocratie, à l’ingérence étrangère et à la notion de souveraineté populaire. Le passé devient ici une métaphore du présent, et la Tunisie, « mère des pays », un symbole de résilience civilisationnelle face aux périls politiques de la dernière décennie

La pièce fait écho aux souffrances post-révolutionnaires, aux luttes partisanes, à la déstabilisation sociale, tout en évoquant les vertus du leadership éclairé, notamment à travers le traitement de la place de la femme dans la gouvernance, incarnée subtilement par les dialogues et les figures féminines sur scène

La pièce n’est pas une pièce de reconstitution historique. C’est une interpellation collective, un appel à réexaminer les racines de l’identité tunisienne, à penser la nation comme projet en mouvement, et à résister aux dérives du pouvoir par la lucidité et la culture. Par sa richesse artistique et sa profondeur réflexive, l’œuvre s’impose comme un jalon majeur dans le théâtre tunisien contemporain, porteur d’un message de renouveau, de dignité et d’espoir

Malek Chouchi

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